Les mots sont aussi des symboles
Écoutons
Tahca Ushte, Cerf Boiteux, dont les paroles sur le pouvoirs des mots recoupent celles de Scott Momaday dans son ouvrage "L'homme fait de mots" concernant le pouvoir du nom dans la tradition amérindienne.
Les
mots sont aussi des symboles d'un grand pouvoir, surtout les noms de personnes.
Pas Charles, Dick et George. Il ne s'attache pas grand pouvoir à ces noms. Mais
Nuage Rouge, Élan Noir, Tourbillon, Deux Lunes, Cerf Boiteux - ces noms-là sont
en relation avec le Grand Esprit. Chaque nom indien repose sur une histoire,
une vision, une quête de rêves. Un nom doit être à la source de grands
bienfaits ; mettre l'homme au contact de la nature et de la vie animale. On
doit exister sous l'empire de son nom. S'en remettre à lui, y puiser sa force.
Un nom doit être - réellement - un nom propre, créé pour un être en particulier
et lui appartenant exclusivement. Charles, Dick, George ou Machin-Truc ne sont
pas des noms propres.
Chaque
nom indien relate une histoire qui demeure cachée aux étrangers si on ne la
leur explique pas. Prenez notre illustre Homme Apeuré Par Son Cheval. Cela
semble bizarre dans votre langue. Mais Homme Apeuré conduisit ses guerriers au
combat et devant lui l'ennemi prit la fuite. Les voyants guérisseurs voulurent
l'honorer et lui conférèrent ce nom, qui en réalité veut dire : Il est si
intrépide et si redouté que ses ennemis - les hommes apeurés, l'Homme Apeuré -
se sont enfuis à la seule vue de son cheval, même s'il ne le montait pas. Voilà
un nom d'une grande valeur, un vrai nom. Celui qui l'a porté a dû mener une vie
d'une grande
dignité.
Outre
le nom sous lequel nous sommes connus, nous les Sioux portions aussi un autre
nom, un nom secret, jamais prononcé à voix haute. C'était notre nom dit de
destin propice et de longue vie. Parfois ce nom confidentiel était donné à
l'enfant par le grand-père ou le voyant-guérisseur, mais le mieux était qu'il le
soit par un winkte.
Les
winktes étaient des hommes qui s'habillaient en femmes, avaient l'air de femmes
et se comportaient comme des femmes. Ils agissaient ainsi de leur propre volonté
ou pour se soumettre à un rêve qu'ils avaient eu. Ils n'étaient pas comme les
autres hommes, mais le Grand Esprit les faisaient winktes et nous les regardions
comme tels. Il leur était attribué le don de prophétie, et l'on croyait que le
nom secret donné par un winkte était chargé d'un pouvoir particulier, tout à
fait efficace. Jadis, le père faisait don au winkte d'un beau cheval, pour le
remercier de conférer un tel nom à son enfant.
À
l'homme blanc, les symboles sont tout juste quelque chose d'agréable, qui
permet de se laisser aller à des spéculations, à un jeu de l'esprit. Pour nous,
ils sont plus que cela, beaucoup plus. Il s'agit pour nous de vivre les
symboles. Vous me
voyez répandre un peu de terre rouge sur le plancher. Je l'aplatis avec la
paume de ma main et la lisse avec une plume d'aigle. Ensuite avec le doigt je
trace un cercle, un cercle qui n'a pas de fin. Un homme est figuré dans ce
cercle. C'est moi. C'est aussi un esprit. Au-dessus de la tête se dressent
quatre cornes.
Elles
représentent les quatre vents. Les cornes sont arrondies aux extrémités. Une
des courbes est la courbe du bien, l'autre celle du mal. Cette dernière
pourrait servir à tuer quelqu'un.
Si
vous regardez mieux ce cercle sans fin, vous vous apercevrez qu'il a également
la forme d'une demi-lune. Avec le pouce, j'imprime vingt-quatre points autour
du cercle. Ils représentent les vingt-quatre voyants-guérisseurs qu'il m'a été
dit d'avoir à consacrer. Il y en a dix-huit que j'ai déjà consacrés...
Les
vingt-quatre points symbolisent aussi les quatre points cardinaux, quatre
points pour chacun d'eux - le nord, l'est, l'ouest, le sud - et quatre pour le
soleil là-haut et
quatre pour la terre sous nos pieds. Mon calumet pointe vers toutes ces directions.
Nous sommes désormais en harmonie avec l'univers, fondus en lui, un point sur
le cercle qui n'a pas de fin. Cela veuf dire que nous étions ici bien avant que
ne vienne le premier homme blanc ; nous y sommes en ce moment, nous y serons à la
fin du temps — du temps indien. Nous
vivrons...
Tahca Ushte, De mémoire indienne
esprit shaman
Améridiens,
esprit shaman,
Indiens d'Amériques